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La noirceur de l'âme chapitre 1 Partie 2

Arrivée devant celui-ci, la magicienne s'inclina et attendit l'autorisation de parler. Uthgard, un grand homme musclé, portant la barbe grisonnante taillé en pointe, une épée à ses côtés, était le roi de la cité de Tarvath. Il était vêtu de manière simple, une tunique ébène aux broderies soyeuses représentant un cerf, un pantalon couleur ivoire et des bottes de cuir lui remontant jusqu'aux genoux. Gwenaëlle savait que le roi y cachait de petites dagues. C'est elle qui le lui avait conseillé. Une couronne argentée, ornée de pierres d'onyx, coiffait sa tête. En voyant la magicienne entrer, il ordonna à ses dignitaires et conseillers de quitter la salle. Une fois tous les dignitaires parti, à contrecœur pour certains, le roi prit la parole.

 

— J'espère que votre interruption est justifiée, j'ai plusieurs problèmes qui requièrent mon attention.

— Croyez-moi, celui-ci est prioritaire votre majesté ! s'exclama Gwenaëlle.

— Je vous écoute, magicienne, dit le roi, intrigué par le ton urgent de la jeune femme.

— J'ai eu une douloureuse vision qui m'a révélé un futur qui menace la paix dans laquelle nous vivons.

 

Une lueur d'inquiétude apparut dans les yeux du seigneur. Il se reprit rapidement, caressa le pommeau de son épée pour se rassurer et invita la magicienne à poursuivre.

 

« Eh bien ! Je n'ai pas été très futée, moi qui ne voulais pas inquiéter le roi, c'est raté, » pensa Gwenaëlle.

 

— Que risquons-nous réellement ?

—L'avènement d'un nouveau monde, la fin de celui que nous connaissons actuellement, laissa gravement tomber la jeune femme.

— Je vous demande pardon ? dit le roi.

— Ma vision n'est pas très précise quant à ce danger, mais une chose est sûre, notre paix est menacée. Une entité démoniaque d'une extrême puissance va tenter de pénétrer dans notre dimension.

— Baliverne ! Historiens et magiciens affirment qu'une telle chose est impossible !

— Oui, je suis au courant, mais cette fois c'est différent ! s'exclama Gwenaëlle.

—Ça c'est déjà produit, plusieurs guerriers de tous les royaumes se sont unis pour arrêter un nécromancien et ont renvoyé la créature dans son trou infernal en le payant de leur vie il y a de cela cinquante ans, expliqua Uthgard.

— Mon Seigneur, la menace n'est peut-être pas immédiate, mais elle pourrait tombée sur nos enfants. Il nous faut agir !

Uthgard se mit à réfléchir.

— Sauf votre respect mon seigneur, un démon de cette puissance peut revenir lorsque l'opportunité se présente à lui ! Si vous me laissiez former une équipe formée d'enfants aux dons exceptionnels, les chances de pro...

— Aucune équipe ne sera recréée ! Vous ne savez pas ce que les soldats d'antan ont vécu contre ce monstre. Mon père m'a conté des choses inimaginables, passant d'assassinats violent de familles entières à l'apparition d'une Peste dévastatrice!

— Mais... mon Seigneur...

— J'ai dit non! Depuis cinquante ans, nos soldats ne sont formés que par la capitaine de la garde, alors il est hors de question que vous formiez une quelconque élite fraîchement sélectionnés pour notre salut.

— Mon seigneur, si nous continuons sur cette voie, je vous garantis que ce sera la fin de notre royaume. En tant que votre conseillère, écoutez-moi, laissez-moi en choisir dix. Je veillerai à ce qu'ils vous soient loyaux. Ne ruinez pas la chance de sauver votre peuple à cause de votre couardise. Il y a une prophétie qui dit : Le jour où l'innocence sera souillée viendra une ère où les secrets des Limbes feront leur retour. Tremblez lorsque viendra cet instant; seules les âmes longtemps séparées auront le pouvoir de repousser les ténèbres.  Il nous faut cette élite !

—Je vous ordonne immédiatement de changer de ton, magicienne ! Je n'accepterai aucun manquement de courtoisie de votre part. Et d'où sortez-vous cette prophétie?

—Mon mentor me l'a transmise, votre Majesté, c'est une prophétie qu'il tient lui-même de son maître et qui se transmet de bouche à oreille depuis des générations. Elle nous met en garde contre le retour possible d'un mal longtemps oublié.

Le roi regarda la magicienne dans les yeux et se mit à réfléchir. Même si cela lui coûtait de l'admettre, la prophétie ne jouait pas en sa faveur. Il n'avait pas vraiment le choix. Uthgard voulait éviter le désastre vécu par son père. Mais à quel prix ? Ils allaient devoir trouver une solution et surveiller de très près ces nouvelles recrues. Le roi n'avait d'autre choix que d'accepter la requête de sa conseillère. Pour le moment.

— Très bien, je vous donne l'autorisation, mais attention ! Si quoi que ce soit de mauvais devait en résulter, vous seriez tenue pour responsable et le châtiment serait la mort.

— À vos ordres, mon seigneur.

— Je vous saurais gré de ne parler de votre vision à personne. Encore une chose, de combien de temps disposons-nous ?

—Je n'en sais rien, votre majesté, dit-elle résignée.

Le roi acquiesça et fit signe à la jeune femme de disposer. Celle-ci exécuta une révérence en reculant de quelques pas avant de tourner les talons. Elle sortit de la majestueuse salle colorée, impassible et retourna dans sa chambre plutôt austère. La magicienne commença la préparation de son projet de vengeance. Le lendemain, Gwenaëlle envoya plusieurs lettres, par l'intermédiaire de coursiers, dans les trois grandes cités constituant le royaume de Kerma. Tarvath en était la quatrième cité et la plus imposante. Les quatre citadelles assuraient la prospérité du royaume malgré quelques tensions entre les dirigeants. Le roi avait personnellement nommé les trois ducs assignés à l'administration des villes. Une fois les lettres envoyées, Gwenaëlle entreprit de faire des recherches à la bibliothèque sur les potentiels démons qui pourraient envahir le monde. Selon sa vision, la créature était plutôt imposante, ses ailes et ses cornes réduisait la liste à trois démons. Astaroth, Agarès ou Abaddon. Les trois possédaient le même type de trône, à quelques différences près. La magicienne soupira. Dans un cas comme dans l'autre, il s'agissait de trois démons extrêmement dangereux. Elle ne pouvait pas prendre le risque de voir ses plans de vengeance compromis par une apocalypse. Vengeance qu'elle entretenait depuis longtemps contre quelqu'un qui lui était pourtant très cher. La magicienne passa donc le plus clair de son temps à ses recherches et au préparatif des épreuves de sélection.

Chose certaine, la jeune femme fut occupée jusqu'au grand jour, à chercher un moyen d'empêcher l'arrivée d'un démon dans notre monde. Les préparatifs ne débutèrent que deux jours avant le début des épreuves tant la magicienne avait été débordée par ses recherches. Un mois après avoir envoyé les lettres, les premières familles commencèrent à arriver. Certaines arrivèrent de la métropole du Nord, une cité très spirituelle où toutes croyances étaient acceptées du nom d'Iremia. D'autres provinrent du sud, d'une bourgade nommée Sélème, où l'eau était rare et où le soleil brillait en permanence. La journée suivante, des familles arrivèrent de l'est, où les forêts et les plaines s'étendaient à perte de vue aux pieds de la cité d'Aretia. Des candidats arrivèrent même de l'ouest le surlendemain, provenant d'une ville nommée Elpida où vivait de peine et de misère un peuple de pêcheur. Cela prit environ deux semaines avant que l'ensorceleuse ne soit sûre que plus personne n'allait arriver. La jeune femme était enjouée. Elle n'aurait jamais cru qu'autant de famille répondraient à son appel. Il devait bien y en avoir une bonne centaine présente sur la place principale.

Le message contenu dans la lettre était très vague, Gwenaëlle avait simplement demandée de nouveaux soldats dans le but de former une élite, omettant de parler de la menace qui se profilait. Comme le roi le lui avait demandé. Elle précisait seulement vouloir des enfants exceptionnel dans un domaine quelconque, qu'il soit magique ou non. Gwenaëlle ne précisait pas vraiment quel genre de talent elle recherchait, il devait seulement être hors du commun chez un enfant. Une fois certaine que plus personne ne viendrait, la jeune femme annonça le début des jeux, qui allaient s'étirer sur deux jours. Le premier jour, la magicienne annonça la première joute :

 

— Mesdames et Messieurs, je vous remercie de vous être déplacé. Beaucoup d'entre vous ont fait une longue route pour venir jusqu'ici présenter leurs enfants. Comme mentionné dans la missive que vous avez reçu, vous êtes ici pour aider à former la nouvelle équipe d'élite du roi. Nous débuterons donc l'épreuve de tir à l'arc sans plus attendre. Candidats et candidates, avancés !

 

Aussitôt, une bonne vingtaine d'enfants s'avancèrent et prirent un arc et des flèches. Il y avait tellement de participants que la magicienne dût commencer avec un groupe de dix gamins, car elle ne possédait qu'une dizaine de cibles.

 

— Parfait, placez-vous maintenant face à une cible. Vous allez devoir tirer trois flèches en visant le plus possible le centre, ceux qui auront eu le plus de précision seront sélectionné pour rester au château.

 

Deux enfants, de sexes différents, sortirent du lot. Ils étaient si habiles et précis, tirant deux flèches à la fois malgré les consignes de la magicienne, que la foule s'amoncela rapidement autour d'eux. Gwenaëlle nota leurs noms et passa à l'exercice suivant. Le concours de force.

 

— Jeunes gens de Tarvath, pour cet après-midi, nous allons passer à l'épreuve de force. Que ceux et celles qui veulent montrer ce dont ils sont capable s'avancent.

Encore une fois, une vingtaine de gamins se présentèrent devant la jeune femme.

— Vous aurez à démontrer ce que vous valez en soulevant de lourdes charges, soit trois tablettes de Wulfénite pesant ensemble vingt-cinq kilos sur une distance d'environ trente mètres.

 

Les plus forts seront retenus.Deux enfants attirèrent l'attention de la jeune magicienne. Ils avaient levé l'objet demandé d'une seule main et avaient parcouru la distance sans la moindre difficulté. Ils avaient même poussés l'audace jusqu'à lancer les tablettes sur le dernier dix mètres, ce qui avait grandement impressionné la jeune femme. Gwenaëlle s'empressa de noter leurs noms. Elle remercia ensuite les familles pour leur déplacement et les laissa partir pour la nuit. La plupart avaient installé des petits camps de fortunes proches des portes d'entrée, aux abords de la grande muraille qui encerclait le château.