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La Noirceur de l'âme chapitre 1 Partie 1 - Le commencement

Le brigand courait dans les couloirs sombres du château. Son plan fonctionnait à merveille, il avait anticipé l'arrivé des gardes et les diverses sorties possible, était parvenu à prendre l'orbe dans la crypte. Cette trouvaille allait lui rapporter une belle montagne de pièces d'or. La rumeur disait que l'on pouvait voir l'avenir avec cet objet. La seule chose qui n'était pas prévu, c'était d'être poursuivi par Lui. Le voleur n'avait aucune idée de Son nom, il ignorait même de quoi Il était capable. Le bougre ne tenait pas vraiment à le découvrir. Ce qu'il savait par contre, information obtenue des marins de la taverne du village voisin, retranscrit sur un bout de parchemin mentionnant Son appartenance à la race des Djinns. De plus, il savait qu'il était extrêmement difficile de Le tuer. Cependant, ce n'était pas le moment de penser à ça, il avait sa propre vie à protéger. Les corridors de ce lugubre château étaient si étroits et nombreux qu'on pouvait facilement s'y perdre. Soudain, le brigand arriva dans une impasse. Il jura et allait tourner les talons lorsqu'une force invisible le plaqua contre le mur, lui cognant la tête et lui arrachant un cri de douleur. Du sang commença à couler le long de son cou. L'orbe qu'il tenait tomba sur le sol. N'étant pas en mesure de bouger ne serait-ce que le petit doigt, le brigand riva son regard sur le coin de mur qu'il avait dépassé quelques instants plus tôt. Des sueurs froides lui glissaient le long du dos, ses mains devenaient moites et sa bouche devint sèche. Son cœur commença à battre de plus en plus vite alors que les ténèbres envahissaient les lieux. Tout ce qu'il eut le temps de voir fut des yeux, jaune ocre et injecté de sang, le fixer. Le voleur poussa un hurlement de terreur, son cri à glacer le sang se répercutant sur les murs. La dépouille fumante du brigand tomba sur le sol, l'objet volé à ses côtés. L'être sombre prit ce qui avait été dérobé sans se soucier du cadavre. La vermine s'en chargerait.

Il retourna dans la crypte, là où un socle de pierre noire reposait et y déposa un globe translucide et bleu foncé.

 

«S'il avait fallu que cet être pathétique s'enfuie avec l'orbe, j'aurais moi aussi été bon pour la vermine» pensa le Djinn.

 

Satisfait que l'objet soit revenu à sa place, l'être ténébreux se dirigea vers un coin sombre de la salle et ouvrit ce qui semblait être une malle. À l'intérieur, il y avait quelques manuels de sorcellerie, des flacons vides et des vêtements de cérémonie. Il devait se préparer, la reine allait le faire appeler d'une minute à l'autre.

Gwenaëlle réintégra brutalement son corps, provoquant ainsi sa chute de la chaise où elle était assise. Elle se releva tant bien que mal, se massa la tête et s'essuya les yeux en repensant à sa vision. Voilà maintenant plusieurs lunes qu'elle méditait, et elle avait enfin sa réponse. Sa prémonition, vue comme si elle regardait une pièce de théâtre, était d'une incroyable précision. Une véritable scène d'horreur : Un voleur courant avec un orbe à l'aura démoniaque dans les mains, un djinn étrangement familier qui carbonisait le bougre. Des démons humanoïdes aux jambes d'animaux divers, des têtes cornues, des tentacules sortant de tous les côtés. Certaines créatures avaient même des écailles ou des pustules purulentes au visage. La vision avait été si violente qu'elle donna une forte nausée à la jeune femme et provoqua une cuisante douleur à la poitrine. Dans sa prémonition, la magicienne avait entendu des cris d'horreur mélangés à des hurlements de panique. Elle en frissonnait encore et en pleurait même à chaudes larmes. Soudain, une nouvelle vision la plaqua au sol. Une forme gigantesque se précisa au fur et à mesure que la souffrance s'intensifiait. Elle ne reconnut pas le titan, un géant des Enfers ayant une apparence mi-humaine avec des ailes de chauve-souris et sifflant comme un serpent mais le trône fait d'ossements à ses côtés lui rappelait vaguement quelque chose. La prémonition, qui avait duré à peine quelques secondes, prit alors fin. La douleur s'estompa lentement, mais la força à rester allongée un petit moment. La jeune femme se releva péniblement en essuyant le sang qui coulait de son nez, étourdie. La douleur à sa poitrine diminuait mais persistait. Gwenaëlle devait cependant prévenir le roi Uthgard. Elle ramassa plusieurs livres éparpillés sur le sol ainsi que deux ou trois manuscrits sur son lit et les rangea avant de quitter les lieux.

En chemin, Gwenaëlle croisa quelques domestiques s'affairant à nettoyer les corridors et à enlever les étoffes couvrant les fenêtres. Ils les plaçaient la nuit pour contenir l'humidité des murs de pierre. En dévalant les marches de pierres quatre à quatre, la magicienne passa en trombe devant plusieurs tapisseries magnifiques aux couleurs chatoyantes. Normalement, elle ne manquait jamais de s'émerveiller devant tant de beauté. Celles-ci faisaient partie de la collection du roi. Il les avait obtenus lors d'un voyage diplomatique plutôt difficile dans des contrées éloignées du désert, aux frontières du royaume de Djemila. La petite bourgade se trouvait dans une oasis, à l'extérieur de la grande muraille du royaume. La jeune femme adorait regarder les encadrements ornés de joailleries, leurs couleurs enflammées, le travail et le détail de chaque peinture. Le sentiment qu'elle éprouvait devant tant de magnificence était indescriptible.

En arrivant à la fin du long escallier, elle fit un léger détour vers les cuisines. Sa vision l'avait complètement vidée de toute énergie. Gwenaëlle avait besoin de refaire ses forces et elle espérait grandement que la chef aurait quelque chose à lui donner avant le repas du matin. Arrivée sur place, la magicienne comprit rapidement qu'elle n'aurait rien pour son petit-déjeuner. La pièce, déjà bondée malgré l'heure matinale, le lui confirmait. Le personnel s'affairait à préparer le petit-déjeuner du roi et des nobles de la cour. La jeune femme haussa les épaules, tentant d'ignorer sa faim et se dirigea vers la salle du trône. Arrivée devant la grande porte, la magicienne marcha sur un énorme symbole gravé sur le sol. Le pictogramme de l'infini, tapissé de plusieurs sigils incompréhensibles, protégeait le roi et son entourage contre quiconque ayant soif de sang. Gwenaëlle ressentait toujours un malaise intense lorsqu'elle s'en approchait. Le sort de protection qu'elle utilisait, aussi puissant soit-il, ne la protégeait que partiellement contre les effets de la gravure. Elle savait pourquoi elle l'éprouvait, mais ne pouvait pas le laisser paraître. Il ne fallait tout de même pas alerter la garde toute de suite. Elle salua les soldats d'un signe de tête et entra dans la pièce.

En pénétrant dans la salle du trône, la jeune femme leva les yeux vers l'œuvre accrochée derrière le souverain, sur le mur du fond. Celle-ci représentait une nécromancienne morte il y a de cela des centaines d'années. Toutefois, étant venue pour une autre raison, la jeune femme n'y accorda pas plus d'attention. Son don de clairvoyance était imprévisible et difficilement contrôlable, tout comme le futur. L'avenir changeait sans cesse, ce qui empêchait souvent la magicienne de savoir si ce qu'elle voyait allait se produire ou non. Mais face à un rêve de cette violence, l'ensorceleuse n'avait pas le choix, elle devait prévenir le roi. Elle devait être prudente, cependant. Il ne fallait pas compromettre ses plans de vengeance et alarmer le souverain. Elle avait travaillée dur pour arriver à ce poste de conseillère. Elle allait bientôt pouvoir venger l'assassinat de sa mère, Morgana. L'une des plus puissantes tsiganes de son temps.