Cela faisait une dizaine d'années qu'Adrian et les autres vivaient au royaume. Ils étaient maintenant âgés d'environ seize ans et subissaient un entraînement très rude. Au cours des ans, le groupe avait finalement compris que leur présence au château n'était pas due au hasard. Gwenaëlle les avait avisés d'une menace se profilant à l'horizon et ignorait le moment où celle-ci leur tomberait dessus, c'était pour affronter cette apocalypse que la magicienne les avait recrutés. Le choc avait été considérable, la vérité douloureuse, certains s'étaient senti trahis...mais ils furent bien vite raisonnés par leurs camarades. Si la vision de la magicienne devenait un jour réalité, ils se devaient d'être prêts. Chacun avait des capacités différentes à maîtriser, pour certains c'était la magie, pour d'autres, le maniement d'arme ou bien encore l'art subtil de la guérison. Ils avaient donc cessé, suite à cette révélation, de se voir comme des rivaux et travaillaient maintenant en équipe soudée, jouant sur les aptitudes de chacun pour combler les lacunes possibles.
Adrian trouvait son entraînement particulièrement compliqué et difficile. Son maître était un véritable tyran. Il lui apprenait comment soigner les hommes et se protéger contre une attaque pouvant être mortelle, lui demandant de tout donner, même quand il n'avait pratiquement plus de force pour bouger. Ilian lui avait expliqué qu'il s'agissait d'un art ancien, appris dans ses jeunes années, avant qu'il ne devienne le maître guérisseur du château. Il lui enseignait également à attaquer les points vitaux avec le bout de ses doigts ou avec des aiguilles. Cet entraînement au combat était éprouvant, son maître l'intimait d'être debout et prêt à l'échauffement dès l'aube. Il le faisait courir le long de la muraille, lui ordonnait de frapper à coup de poing contre un énorme tronc d'arbre. Le sang tâchait parfois les mains du jeune guérisseur, qui étaient enveloppées dans des bandelettes de coton. Il devait même porter des seaux remplis d'eau et monter l'escalier de la tour nord, qui était d'ailleurs la plus haute du château.
L'art ancien permettait entre autre de se battre autant au corps à corps qu'avec l'énergie de la nature. Adrian détestait cet entraînement, son maître venait toujours le réveiller en plein milieu de la nuit pour l'entraînement au combat.
Voilà à quoi ressemblait le quotidien du jeune homme. En cette belle matinée cependant, Ilian lui avait donné une journée de repos, et quand il était question de vacances cela voulait dire... traduire un ouvrage écrit dans une langue morte, traitant de divers sujets : médecine, plantes aux propriétés incroyables, les bienfaits de l'acupuncture et d'autres sujets divers sur les différents types de soins.
L'ouvrage qu'Adrian tentait de déchiffrer était un antique grimoire d'anatomie. Tous ces vieux termes et ses vieilles techniques n'étaient plus utilisés depuis longtemps, mais son maître voulait qu'il les connaisse tous. Sa lecture fut interrompue par un groupe de jeunes femmes passant tout près.
Allana, située au centre du groupe, avisa le jeune guérisseur. Il est vrai qu'elle le trouvait à son goût, mais, trop timide pour lui parler, n'allait jamais le voir seule. À chaque fois, la jeune femme devenait toute rouge et commençait à bégayer. C'était du moins ce que les autres jeunes femmes du groupe avaient noté mais Allana le niait à chaque fois. Cependant, en cette magnifique journée ensoleillée, elle décida de prendre son courage à deux mains. Allana quitta le groupe et se dirigea d'un pas décidé vers Adrian, ce beau jeune homme qui faisait battre son cœur depuis maintenant quelques années.
Celui-ci lisait son encyclopédie sous un énorme saule pleureur. La cour dans laquelle ils se trouvaient était gigantesque et n'avait de cesse d'émerveiller la jeune femme. Les grandes fontaines représentant des animaux tels que le Cerf, l'Ours, le Loup et la Loutre, ambassadeurs du royaume des esprits, étaient tout simplement magnifiques et donnaient un aspect sauvage au jardin. Plusieurs bancs permettaient aux membres des deux petits groupes de se détendre, comme le faisait le beau guérisseur. D'innombrables petits arbres fleuris embellissaient les lieux, emplissant l'air d'un doux parfum de lilas, de roses, de tulipes et de jonquilles. C'est dans cet endroit presque féerique, marchant d'un pas mal assuré, qu'arriva Allana.
— Bonjour, dit-elle en marchand derrière le jeune guérisseur.
— Une petite minute, je termine ce paragraphe et je suis à vous.
Un petit défaut qu'avait Adrian lorsqu'il lisait, plus rien n'avait d'importance autour de lui. Allana ne dit rien.
— Voilà, j'ai terminé, c'est pour quoi ? demanda Adrian en se retournant.
Il ne vit personne, excepté le groupe qui s'éloignait en gloussant. Il haussa les épaules et reprit l'analyse de son ouvrage. La personne qui voulait lui parler avait dû partir.
— Tu aurais pu lui parler plus longtemps, ou même rester auprès de lui, souffla Rose à l'oreille de la jeune femme.
— Je ne peux pas, il n'est pas fait pour moi.
— Dis plutôt que tu as peur d'être rejetée ! s'exclama Lana.
Allana ne répondit pas et continua à marcher avec les autres femmes, sujette à de grandes réflexions sur l'amour et ses complexités tout en regardant le jeune guérisseur de loin.